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Portrait : Antoine Ratelle

14 Sep 2023 par Bénédicte Pereira Do Lago

Samedi dernier, il vous a peut-être servi un verre d’Exorciste au bar Central de l’église, à l’occasion de notre 25e anniversaire. Vous avez peut-être même jasé levures et vieillissement en barrique!

On vous présente aujourd’hui Antoine Ratelle, l’un des brasseurs de notre équipe de Saint-Jérôme.

 

Quand es-tu arrivé chez Dieu du Ciel! ?
Je suis arrivé chez Dieu du Ciel! en mai 2019, ça fait un peu plus de 4 ans.

Pourquoi as-tu appliqué comme brasseur chez nous ?
J’ai suivi le cours à l’IBQ (Institut Brassicole du Québec) à Montréal avant de venir travailler chez Dieu du Ciel!. Je me voyais bien chez DDC!, de par la mentalité de l’entreprise, le fait que c’est à taille humaine et que l’offre de produits différents et de créations était intéressante.

Est-ce que tu as toujours voulu en faire ton métier?
J’ai un parcours un peu éclectique! À la base j’ai suivi les cours de Transformation des Matériaux Composites au CEGEP c’est à dire une technique principalement basée sur la fibre de verre et la fibre de carbone pour résumer très brièvement. J’ai travaillé chez Bombardier pendant un an, après ça j’ai été à l’ETS faire un bac en Génie Mécanique que j’ai orienté vers les matériaux composites, j’ai donc continué à pousser dans cette direction.

J’ai fini mon Bac en 2014 et j’ai travaillé en ingénierie de 2014 à 2019 dans une compagnie qui fabrique des conduits pour passer des fils électriques à l’intérieur.

Je brassais déjà à la maison, j’avais le goût de pousser un petit peu plus loin là-dedans parce que j’aimais bien la bière et je n’étais pas 100% satisfait de ce que je faisais. J’ai donc décidé de m’inscrire au cours de l’IBQ et de fil en aiguille, j’ai décidé de faire le grand saut et de lâcher un peu l’ingénierie pour travailler dans une microbrasserie.

J’ai toujours pensé que si jamais je me tanne, je peux toujours retourner en ingénierie et que ce que j’ai fait n’est pas perdu. Mais depuis 4 ans 1/2 je n’ai jamais ressenti le désir de retourner dans ce domaine et j’ai plutôt orienté mon parcours chez Dieu du Ciel! en ramenant un peu cet aspect-là dans mes tâches.

Donc ton parcours antérieur te sert dans ton travail chez DDC! ?
Au brassage, c’est moins directement lié, mais l’ingénierie c’est beaucoup apprendre à apprendre! C’est sûr que ça m’a aidé dans mon cheminement.

Aujourd’hui, je suis aussi l’une des personnes en charge de la maintenance, de la gestion de projet pour une éventuelle future ligne de canettes, de toute l’amélioration des procédés…Dès que j’avais des idées j’en parlais et souvent c’était des idées qui pouvaient contribuer à l’optimisation de notre travail en production. Donc oui, il y a eu une ligne directrice dans mon parcours.

D’un point de vue production, j’imagine que vous devez vous adapter aux changements de l’industrie?
Oui, par exemple, la nouvelle loi sur la consigne qui doit entrer en vigueur le 1er novembre, même si c’est encore un peu flou. Parmi les questions qu’on se pose, est-ce que cette nouvelle consigne va relancer la vente de bières en bouteilles sur les tablettes, vu que ce ne seront plus les détaillants qui vont gérer les retours de bouteilles? C’est des défis logistiques, des décisions à prendre et des questions qui sont le fun à se poser, malgré le fait que c’est un enjeu important.

Peux-tu nous dire à quoi ressemble une journée de travail typique pour toi?
En fait, sur le papier mon titre officiel c’est brasseur mais maintenant il y a de multiples chapeaux qui se sont ajoutés. Typiquement je brasse un peu moins qu’au départ, je suis un peu plus dans la gestion du brassage. Maintenant, c’est moi qui vais élaborer les différentes recettes de brasses qu’on produit. Ce ne sont pas des nouvelles recettes mais plus des petits ajustements des recettes existantes en fonction des matières premières et de l’efficacité qu’on a sur notre système de brassage. Tout ça dans afin d’avoir une bière qui reste le plus possible semblable d’un lot à l’autre.

Jusqu’à récemment c’est moi qui commandais toutes les matières premières nécessaires à l’élaboration de la bière. Le grain, les houblons, les différentes épices ou produits qu’on peut ajouter à nos bières. Tout ce qui est système de filtration, de conditionnement aussi…Là on est en transition car Kaven (Pelletier Bois) qui est revenu de son voyage d’un an, reprend cette tâche-là. Je suis un peu plus en arrière maintenant mais je suis toujours dans la « loop » pour faire le suivi.

Je suis aussi le responsable du comité SST au sein de l’entreprise, je m’occupe donc de tout ce qui est Santé et Sécurité.

Tu es aussi responsable du chai, en quoi ça consiste?
Oui, je m’occupe du chai avec Jolain (Beaulieu-Gravel) avec qui on s’entraide beaucoup dans tout ce qui est élaboration des différents assemblages et des différentes créations. On se « feed » d’idées ensemble en goûtant ou en jasant de ce qui pourrait être intéressant à brasser.

Il y a certaines lignes directrices dans la gestion du chai, on sait par exemple que la Péché Mortel Bourbon va être brassée chaque année. Donc on la prévoit d’avance, on sait qu’on doit avoir des barriques de bourbon pour cette bière.

Autrement, pour le pack Collection Hiver qui sort aussi chaque année autour de décembre, chacun dans l’équipe de brassage apporte des idées et de là on a tous des discussions sur ce qui pourrait être intéressant, un bon ajout, un bon mix.

Est-ce que vous brassez certaines bières en vue de les mettre en barrique?
On planifie certaines brasses en fonction des saisons. Le pack d’hiver va être constitué de bières qu’on produit principalement à la fin de l’automne ou en début d’hiver comme la Grande Noirceur ou la Rigor Mortis, en vue de sortir les versions barriquées dans le pack autour de décembre. Donc on combine la production de bières non-barriquées avec celle des bières barriquées qui vont sortir l’année d’après. Par exemple pour le pack d’hiver de cette année, les bières ont été brassées entre décembre 2022 et janvier 2023 pour permettre leur vieillissement en barrique.

Ça c’est pour les bières de maturation en fût, mais il y a aussi les bières d’assemblage ou les bières un peu plus sauvages. On sait quelles recettes et quelles bières font de bonnes bases pour les assemblages, donc on en réserve souvent une portion qu’on met en barrique de chêne. C’est vraiment là qu’il y a plus de créativité car souvent on part d’une base avec un profil relativement neutre qu’on connaît et qu’on peut assembler avec une autre bière barriquée, ou encore à laquelle on ajoute des fruits.

Souvent ça va se jouer en fonction du fût lui-même, de comment il goûte et du produit avec lequel on travaille que la bière va naître. Certains produits plus éclectiques comme le marc ou le moût de raisin peuvent nous orienter et nous permettre d’aller dans la direction qu’on veut.

Un peu comme la Symbiose No 26 qui est une base de blanche sure élevée dans une barrique qui avait contenu du marc de raisin. On n’a rien ajouté d’autre et on a décidé de la sortir comme ça parce que le passage sur marc de raisin lui a donné un profil vraiment fruité malgré le fait qu’on n’a ajouté aucun fruit.

Les assemblages laissent donc plus de place au hasard?
Exact, il y a une part d’accidents heureux mais on a aussi une vision en arrière, et des fois cette vision évolue parce que le fût de chêne a apporté un plus. Mais souvent on a une bonne idée de la base qu’on veut acidulée et boisée, et de là on assemble d’autres choses pour aller dans une autre direction et apporter d’autres goûts à ces différentes bières.

C’est essentiellement toi et Jolain qui vous occupez de ces assemblages?
Principalement oui, parce que lui et moi on apprécie ces produits-là. Pour d’autres brasseurs de l’équipe, c’est un peu moins leur tasse de thé donc ils sont moins impliqués là-dedans. Francis (Paquette) en fait encore un petit peu aussi.
Le palais évolue et chacun se retrouve dans les styles qu’il apprécie! C’est ce qui fait que c’est surtout Jolain et moi qui nous occupons de ça avec le « feedback » de Samuel Tremblay, notre directeur de production. Mais ce ne sont pas juste nos avis qui comptent, on écoute les opinions et les idées constructives que tout le monde peut apporter.

On te voit souvent servir aux kiosques Dieu du Ciel! en festival. Est-ce que c’est important pour toi de pouvoir échanger avec la clientèle ?
J’aime ça faire quelques festivals et avoir un contact avec le monde, pouvoir jaser de bières avec les gens. En festival, tu as les deux extrêmes; il y a autant du monde qui ne connaît pas du tout Dieu du Ciel! et du monde qui connaît toutes les bières qu’on a sorties au fil du temps!

En tant que brasseur, on s’entend que je connais bien nos différentes recettes et nos différentes bières, fait que c’est facile pour moi d’en parler autant à une personne qui ne connaît pas le produit qu’à une autre qui va me dire par exemple «  la Péché mortel Bourbon 2018, c’était la meilleure! ». C’est le fun d’avoir un contact avec ceux qui veulent jaser de bière ou qui s’intéressent à Dieu du Ciel! Et de pouvoir leur faire découvrir nos bières.

Ça fait aussi un changement par rapport à la routine du travail dans la brasserie! En festival on est souvent dehors ou pour le 25e anniversaire, c’était dans une église. Ça permet de servir la bière qu’on fait directement aux gens et d’avoir leur réaction!

Peux-tu nous dire quels produits vont sortir dans les mois qui viennent?
Le pack Collection Hiver s’en vient. On commence déjà à parler du Péché Day de l’an prochain, savoir quelle orientation on veut lui donner. Est-ce qu’on va aller vers une caisse mixte ou une caisse 100% barriquée, on ne sait pas encore mais on en discute. La Péché Mortel Bourbon va d’ailleurs être embouteillée sous peu.

Avec la réouverture du brouepub de Montréal, on peut aussi envisager le retour de nouvelles créations. C’est la plupart du temps comme ça que les bières de la gamme Création commencent. D’abord une première ou une deuxième version avec un peu de « fine-tuning » à Montréal, et après ça une mise en production à Saint-Jérôme avec un plus gros volume.

Peux-tu expliquer plus en détails comment fonctionne la production de cette gamme?
La brasserie de Montréal a un système autour de 500 litres, c’est donc beaucoup plus facile de faire des expérimentations. En fait c’est surtout moins coûteux si jamais l’expérimentation vire mal! Il y a donc souvent des itérations qui sont faites à Montréal pour tester le produit, voir si ça vaut la peine ou non. En même temps ça permet d’avoir un « feedback » direct des clients quand les bières se rendent en service au brouepub.

À Saint-Jérôme, c’est un système de 2500 litres, 5 fois plus gros. Il faut donc adapter la recette. Ce n’est pas 100% linéaire, si à Montréal c’est 5 kg d’un ingrédient, à Saint-Jérôme ce ne sera pas forcément 25 kg. Ça se peut que ça soit 20 kg ou – plus rare mais pas impossible – 30 kg par exemple.

On va donc faire une première brasse de 25 hl en essayant d’ajuster le plus possible la recette en fonction de notre système, puis de cette version on va en faire une autre avec un peu de « fine-tuning » pour la sortir en plus gros volume, s’assurer de la stabilité du produit et qu’il soit intéressant pour qu’on le sorte sur les tablettes!

Merci de nous avoir partagé tes connaissances Antoine!

 

 

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